Les chiffres sont évocateurs. En France en 2024, 65 175 défaillances d’entreprises ont été actées alors qu’en 2019, elles étaient 51 350. « Au-delà de l’augmentation des procédures qui est sensiblement la même à Toulon, la taille des entreprises en difficulté a changé. Jusqu’alors il s’agissait de sociétés sans ou avec moins de dix salariés, aujourd’hui, des boîtes plus grosses viennent nous voir » précise Patrick Romagnoli.
En cause, la crise économique qui touche principalement les secteurs de la construction, du commerce et de l’hôtellerie/restauration dans les régions Île de France, Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Dans cet écosystème, la volonté du Tribunal de commerce est de développer la prévention, et donc l’anticipation des difficultés. « À Toulon, les ouvertures de procédures collectives (redressement judiciaire, sauvegarde, liquidation judiciaire) ont augmenté de 37% en 2024 par rapport à l’année précédente » constate le président du Tribunal de commerce.
« La plupart des dossiers aboutissent sur une liquidation parce que lorsqu’une entreprise tape à la porte du Tribunal pour se mettre sous sa protection, il est hélas souvent trop tard. »
C’est pourquoi, un des objectifs majeurs de son mandat est de faire en sorte que les dirigeants réagissent dès le début des problèmes rencontrés. « On pourrait ainsi sauver davantage de société et donc d’emplois. Il y a quand même des emplois et des familles en jeu ! ».
Prévenir pour sauver les entreprises
Aujourd’hui, des outils comme le mandat ad hoc et la conciliation existent, ils permettent de régler par exemple des problèmes de créance (souvent pour des sujets d’endettement bancaire, avec PGE en particulier) cela de manière isolée et surtout dans une totale confidentialité. « Dès le début des difficultés, on essaie de trouver un accord, un plan de paiement, un moratoire avec le ou les créanciers choisis ». L’avantage de cette procédure est qu’elle est confidentielle et peut apporter une garantie supplémentaire au créancier que l’on appelle « new monnaie ».
Pour le président, il est donc important de communiquer auprès des chefs d’entreprises, ce qu’il fait depuis le début de son mandat. « Je me déplace aussi à la rencontre des syndicats et je leur demande comment on peut les aider cela afin que les dirigeants d’entreprise puisse réagir au plus vite ».
Une conférence, sur le thème de la Prévention des difficultés, est d’ailleurs programmée au Tribunal de commerce au mois de juin.
Le Tribunal est aussi doté d’un système de prévention permettant de convoquer, aux vues de certains signaux faibles qui s’allument (par exemple le non-dépôt des comptes annuels), des entreprises apparaissant comme étant en difficultés.
L’entreprise est alors reçue, de manière confidentielle, par un juge qui va étudier la situation économique de cette dernière et envisager les différentes solutions envisageables.
Et parce que la santé d’une entreprise et de son dirigeant sont intimement liées, le Tribunal a conclu récemment un partenariat avec l’AIST (médecine du travail) permettant ainsi d’apporter aux chefs d’entreprise, également une assistance dans le domaine de la santé.
« Un chef d’entreprise qui vient se mettre sous la protection du tribunal peut rencontrer aussi des problèmes de santé, souvent psychologiques. Nous nous devons d’être attentif sur ce sujet, d’où le partenariat avec l’AIST. Nous pouvons alors mettre en relation le chef d’entreprise avec l’AIST pour une assistance. Mais on n’impose rien, on propose ».
Ce partenariat venant compléter l’association « APESA » que le Tribunal de commerce de Toulon a créée courant 2024.
Dans cet exercice de prévention du président et son équipe composée de trente-quatre juges bénévoles, non professionnels, la CCI du Var a son rôle à jouer « Étant en contact direct avec eux, ils peuvent déceler les sociétés qui ne vont pas bien et nous les orienter. Nous sommes là pour sauver les entreprises, c’est important de le rappeler ».
Les 3 conseils du président
- Ne pas attendre qu’il soit trop tard pour venir nous voir
- Les chefs d’entreprise doivent mettre en place des indicateurs permettant d’identifier et de prévenir leur difficulté
- Bien s’entourer.
Le Tribunal de commerce
Le Tribunal de commerce est une vieille institution créée avant la Révolution française sous le nom de Tribunal consulaire. Composé de commerçants, il permettait alors de régler les litiges entre eux. Après la Révolution française, ils sont devenus les Tribunaux de commerce que nous connaissons, composés de juges bénévoles, non professionnels.
Le Tribunal de commerce agit dans deux principaux domaines : le règlement des contentieux qu’il peut y avoir entre les commerçants et les entreprises comme un problème de facture impayée, de contrat, … et les procédures collectives et la prévention pour les sociétés en difficulté.